De nouveaux documents judiciaires révèlent des détails inédits de l’enquête sur la disparition de deux jeunes enfants de leur domicile dans une région rurale du nord-est de la Nouvelle-Écosse, il y a plus de trois mois.
Ces documents incluent les premières impressions des policiers à propos des polygraphes administrés aux parents de Lilly, 6 ans, et Jack Sullivan, 4 ans, ainsi que la confirmation qu’une seconde partie d’une couverture rose, qui aurait appartenu à Lilly, a été retrouvée dans les ordures.
L’information figure dans des demandes judiciaires déposées par les enquêteurs afin d’obtenir l’autorisation de fouiller des relevés téléphoniques, bancaires et des vidéos en lien avec le dossier. Les documents contiennent des déclarations non prouvées faites par la police. Ils ont été publiés par La Presse Canadienne et d’autres médias. Plusieurs parties ont été caviardées.
Selon un document assermenté par la caporale Charlene Jordan Curl, de l’unité des crimes majeurs du nord-est de la Nouvelle-Écosse de la GRC, les enfants ont été signalés disparus à 10 h 01, le 2 mai, depuis leur domicile à Lansdowne Station (N.É.), par leur mère, Malehya Brooks-Murray.
Brooks-Murray a indiqué à la police qu’elle croyait que les deux enfants s’étaient éloignés de la maison, mais l’heure exacte à laquelle elle pense qu’ils ont disparu a été caviardée. La police est arrivée sur les lieux à 10 h 27.
Le document indique que la dernière fois que les enfants ont été vus à l’extérieur de la maison remonte au 1er mai, lorsqu’ils ont été filmés par une caméra de surveillance dans un magasin Dollarama local, accompagnés de Brooks-Murray et de leur beau-père, Daniel Martell.
La GRC a mené au moins quatre tests polygraphiques au cours de son enquête — les deux premiers ont eu lieu le 12 mai avec les parents des enfants au détachement de Bible Hill (N.É.). Le polygraphe de Martell a « indiqué qu’il disait la vérité », tout comme celui de Brooks-Murray qui a conclu qu’elle répondait véridiquement à certaines questions, bien que la liste de ces questions ait été caviardée.
Un commentaire d’enquêteur, non identifié, figure à la fin de la section sur les résultats des deux premiers polygraphes : « À ce stade de l’enquête, la disparition de Jack et Lilly n’est pas considérée comme de nature criminelle. »
« Je n’ai pas de motifs raisonnables de croire qu’une infraction criminelle a eu lieu. Comme Jack et Lilly sont toujours portés disparus, des examens polygraphiques ont été menés afin d’écarter cette possibilité. »
Martell a déclaré à La Presse Canadienne le 28 mai qu’il avait réussi un polygraphe, mais la GRC a refusé de confirmer ou d’infirmer ses propos à ce moment-là.
Les résultats des polygraphes, qui mesurent les fluctuations du système nerveux sympathique d’une personne lorsqu’elle répond à des questions, ne sont pas admissibles devant les tribunaux canadiens, mais ils sont considérés comme un outil d’enquête.
Le 10 juin, la belle-grand-mère des enfants, Janie MacKenzie, a aussi passé un polygraphe, mais un autre document note que sa « physiologie n’était pas adaptée à l’analyse et qu’aucune opinion n’a pu être rendue ». Le père biologique des enfants, Cody Sullivan, a passé un polygraphe le 12 juin 2025 et a été jugé véridique dans ses réponses.
En juillet, la GRC a indiqué qu’elle effectuait des tests médico-légaux sur une couverture rose trouvée lors des recherches dans les zones boisées près de la maison familiale. La police avait dit à l’époque que la famille avait confirmé que la couverture appartenait à Lilly, mais avait donné peu de détails.
Les nouveaux documents révèlent que trois membres de la famille ont trouvé la couverture dans un arbre sur Lansdowne Station Road, à un kilomètre de la maison familiale, le 2 mai. Une photo a été montrée à la mère et au beau-père, qui ont confirmé qu’il s’agissait bien de celle de Lilly.
Plus tard, la police a envoyé un chien renifleur dans la zone où la couverture avait été retrouvée, mais l’animal n’a pas pu détecter l’odeur de Lilly ou de Jack, selon les documents. Le 4 mai, une autre partie de la couverture a été saisie par la police après avoir été trouvée dans un sac-poubelle au bout de l’allée de la maison familiale, selon la police.
Les policiers affirment avoir confirmé que les deux morceaux provenaient de la même couverture.
Vendredi, la GRC a indiqué dans un communiqué qu’elle « envisage toujours tous les scénarios » dans le cadre de son enquête.
« L’équipe continue d’évaluer toutes les pistes et informations, et aucun scénario n’a été écarté », a déclaré la porte-parole Cindy Bayers. « Les enquêteurs continuent de recevoir des résultats médico-légaux, notamment ceux liés à la couverture rose, qu’ils évaluent. »
Bayers a précisé que la police avait reçu à ce jour plus de 760 informations du public et examiné plus de 8 000 fichiers vidéo.
Parmi les nombreuses ordonnances judiciaires demandées par la police, l’une concernait le Cobequid Pass, un tronçon de route à péage de la Nouvelle-Écosse. La GRC recherchait des enregistrements vidéo, notamment des images de toutes les caméras des conducteurs quittant la province entre le 1er mai 2025 à 14 h 25 et le 3 mai 2025 à 3 h.
Un document indique que le 3 mai, la police a reçu un rapport selon lequel Jack et Lilly pourraient se trouver avec leur père biologique. La police a reçu deux messages à ce sujet tôt le 3 mai, mais le rapport note que l’appelante, non nommée, n’avait aucune preuve et « voulait seulement s’assurer que toutes les possibilités soient examinées ». Selon la demande concernant les enregistrements du Cobequid Pass, « Malehya a par la suite indiqué à la police qu’elle pensait que Cody Sullivan, le père biologique de Lilly et Jack, les avait peut-être pris et emmenés au Nouveau-Brunswick ».
La police a ensuite rencontré Sullivan le 22 mai. Le document judiciaire indique qu’il a dit aux policiers qu’il avait été en couple avec la mère mais qu’il ne l’avait pas vue, ni les enfants, depuis trois ans. Il a dit verser une pension alimentaire, contrairement à ce qu’avait affirmé Brooks-Murray.
« Il a dit qu’il ne savait pas ce qui était arrivé à Jack et Lilly », ont noté les policiers.
« Il était chez lui le 2 mai 2025 et ne va jamais nulle part. Il n’a pas quitté sa maison récemment et n’a eu aucun contact avec Malehya depuis la disparition des enfants. »
Les documents indiquent que la police a reçu des centaines de renseignements dans ce dossier, dont celui d’un témoin affirmant qu’elle voyageait avec ses fils le matin du 2 mai et avait vu deux enfants marcher le long de la route.
Natasha Haywood a informé la GRC le 31 mai. Elle a décrit avoir vu une fillette tenant la main d’un jeune garçon — le garçon avait les cheveux blond sale et portait un short, tandis que la fillette avait des cheveux foncés en couettes et portait un débardeur à ficelles bleues. Selon la police, elle a dit que les enfants marchaient vers une femme caucasienne d’environ 50-60 ans, aux cheveux « légèrement bouclés », qui attendait près du côté passager d’une berline beige ou dorée plus ancienne, la portière arrière ouverte.
Les documents indiquent qu’au début du mois de juin, la police a rencontré la témoin près du croisement de Gairloch Road et Lansdowne Station Road, où elle a dit avoir vu les enfants marcher vers le nord en direction de Westville (N.É.), et que le véhicule semblait les attendre.
Lors d’une rencontre ultérieure avec la police, Haywood a dit qu’elle pensait que la fillette avait environ 9 ou 10 ans et le garçon 5 ans, selon les documents.
Les enquêteurs tentent de déterminer s’il s’agissait bien de Jack et Lilly, indique le document.
« Aucune des pistes reçues jusqu’à présent n’a permis de localiser Jack et Lilly ni d’obtenir une information corroborée par l’enquête », note un document.
Ce reportage de La Presse Canadienne a été publié pour la première fois le 22 août 2025.
Par Keith Doucette et Sidhartha Banerjee, La Presse Canadienne
Source : CityNews / La Presse Canadienne
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